A l'heure où les médias grossissent l'affaire de la prison d Abu Ghraib pour cacher la torture dans les autres pays, CheckPoint apporte des faits, qui montrent notamment l'importance du rôle de la hiérarchie dans ces tragiques dérapages.

En 1971, Philippe G. Zimbardo avait expérimenté une simulation de prison, avec des étudiants aléatoirement répartis en "prisonniers" et "gardiens". L'expérience devait durer deux semaines, mais a du être arrêtée au bout seulement d'une semaine : les actes de tortures des "gardiens" envers les "prisonniers" se multipliaient. Les détails de cette expérience sont disponibles online dans un site que Zimbardo a monté lui-même : www.prisonexp.org.

 
Dans une interview au New York Times, Zimbardo remarque toutes les concordances entre ce qui s'était passé dans sa "prison" et ce que les photos ont montré d'Abu Ghraib. Un point essentiel est que lui-même, en tant que responsable de l'expérience, avait perdu toute l'objectivité de l'observateur qu'il aurait du rester, et était rentré dans son rôle de super-intendant. En fait, il ne s'apercevra de l'horreur de la situation que grâce à une intervention extérieure : lui-même était tellement dans le jeu qu'il ne réagissait même plus.

Dans une prison réelle, les gardiens sont formés (ce qui n'était pas le cas dans la simulation), et le rôle de la hiérarchie est précisément d'empêcher les dérapages. Que cette hiérarchie soit inefficace, complaisante, et les horreurs de la nature humaine prendront le dessus.

©Philippe Gouillou