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Aide-mémoire de réflexions rapides et brouillons de futurs articles : les courts textes présentés ici ne sont pas finalisés, mais peuvent servir à provoquer la réflexion.

Le thème général est l'analyse des sociétés actuelles selon la grille de la psychologie évolutionniste. La lecture préalable de : Pourquoi les femmes des riches sont belles : Programmation génétique & compétition sexuelle (Gouillou, Ed. Duculot (Louvain, Belgium), 2003) est requise, ou du moins une bonne connaissance générale du sujet : Axelrod, Buss, Dawkins, Geary, Hrdy...

De nombreux termes utilisés sont expliqués dans le Glossaire Evopsy.


13 mars 2004

La laïcité : une nouvelle religion ou juste du multiculturalisme ?

©Philippe Gouillou - 13 mars 2004 - 10:52
arc20040307.htm#BlogID234

"Un Européen Belge a commis des actes de pédophilie et doit être jugé, or tous les Belges sont égaux, donc tous les Belges doivent être jugés."
Ce raisonnement vous paraît stupide ? Si oui, nous sommes d'accord : cette phrase mélange l'égalité en droit et l'égalité tout court. Sa forme générale est :
"Une sous-partie X de Y a fait telle chose et doit être jugée / condamnée / contrôlée / etc., or tous les Y sont égaux, donc tous les Z de Y doivent être jugés / condamnés / contrôlés / etc."
La définition de l'égalité pose de nombreux problèmes depuis le XVIII° siècle où il a été décrété que "Tous les hommes sont égaux". Bien sûr, à part peut-être quelques féministes extrêmistes, personne n'a jamais cru que égalité signifie identicité. Mais même, l'interprêtation de la définition pose toujours problème. Dans leur "Déclaration Universelle des Droits de l'Homme", les Français ont su préciser : "égalité en droit", c'est-à-dire égalité devant des principes plus généraux. Hélas, certainement pour des raisons d'euphonie [1], les Américains ont supprimé cette précision : "All men are created equals".

Dans notre phrase de départ, c'est cette notion d'égalité en droit, imposée par la première partie de la phrase, qui change tout : tous les Belges n'ont pas commis d'actes répréhensibles et donc ne doivent pas être jugés, mais tous les Belges qui ont commis ces actes doivent l'être. Remettre en cause cette précision revient à remettre en cause le principe même du droit, et mélanger les différentes définitions d'égalité mène directement à des stupidités.

Maintenant utilisez le gabarit général en remplaçant Y par culture et développez :

"Une culture X appelle au massacre et/ou à la mise en esclavage de ses voisins, à la guerre, au terrorisme, à la haine raciale, etc. et doit être combattue, or toutes les cultures sont égales, donc toutes les cultures doivent être combattues".
Le raisonnement vous parait toujours aussi stupide ? Certainement : c'est le même que le précédent. Pourtant, l'affaire est plus compliquée : la définition du droit n'est-elle pas une définition culturelle ? Dire que le droit est supérieur à l'égalité des cultures n'est-il pas imposer une culture contre toutes les autres ? Oui, bien sûr. Ce problème n'est vraiment pas nouveau, et il y a été répondu souvent, tout simplement par l'affirmation que certains droits priment avant tout et sont universels (eg: Déclarations des droits de l'homme) et/ou naturels (eg: propriété et liberté chez les libertariens). Pourtant, un très influent mouvement de pensée critique cette approche, et nie la possibilité de faire prévaloir certains critères culturels à cette égalité des cultures. Il est bien sûr facile de faire remarquer à ses ardents défenseurs que "l'affirmation de l'égalité des cultures" est elle-même une approche culturelle et est donc logiquement égale à celle niant cette égalité, mais ils rejetteront la remarque en affirmant que ce paradoxe est lui-même une affirmation culturelle, équivalente à plein d'autres possibles [2]. Ce mouvement de pensée, c'est le multiculturalisme qui, né en France, a fait fortune aux US, avant de revenir tel un boomerang, et prendre une influence déterminante sur la vie politique actuelle.

Pour vous en convaincre, reprenez juste la phrase-exemple précédante en remplaçant "culture" par "religion", et interrogez-vous sur les raisons d'interdire la kippa et les croix quand c'est l'islamisme intégriste qui est en guerre contre l'occident.

Beaucoup objecteront certainement que je m'égare : la nouvelle loi sur les signes religieux se caractérise surtout par l'imposition d'une nouvelle religion, supérieure à toutes les autres, qui serait le fondement de la société européenne : la laïcité. Ce n'est bien évidemment pas faire du multiculturalisme que d'imposer une conception culturelle, religieuse ou non, comme supérieure à toutes les autres. C'est bien là l'analyse que j'ai pu lire un peu partout sur le web : l'état essaie de sortir du débat religieux par le haut, c'est-à-dire par l'invention d'une nouvelle religion. Il me semble cependant que cette analyse, si elle est vraie superficiellement, ne s'intéresse pas aux causes profondes.

Superficiellement, la laïcité apparaît bien comme une nouvelle religion qu'on nous impose, religion qui supplante toutes les autres, et doit dicter le comportement de ces dernières. Tout cela me paraît exact. Mais, n'avait-on pas déjà deux siècles de Code Civil pour cela ? Pourquoi est-il apparu nécessaire de justifier la mise en place d'une nouvelle loi par l'imposition d'une nouvelle référence ? Parce que justement, le simple fait de dire qu'une religion pose des problèmes alors que les autres n'en posent pas aurait été une remise en cause de la sacro-sainte égalité des religions.

En d'autres termes, cette nouvelle religion appelée laïcité n'est qu'une tentative de résoudre le paradoxe inhérent au multiculturalisme, et donc bien la marque que ce dernier a fini par dominer en France [3].

NOTE :
  1. J'ai hélas perdu la référence d'un article qui étudiait la rédaction de la Constitution US, et défendait cette explication par l'euphonie, en remarquant que l'idée d'identicité entre les humains n'était pas dans la culture de l'époque.
  2. C'est le paradoxe de l'auto-référence.
  3. Voir sur Evoweb l'article "PC et Discrimination "Positive"", écrit il y a plus de trois ans...

08 mars 2004

Qu'est-ce que l'intelligence ?

©Philippe Gouillou - 08 mars 2004 - 09:06
arc20040307.htm#BlogID231

Intellectuel correspond traditionnellement (depuis plus d'un siècle (Zola)) à deux définitions. Les intellectuels sont ceux qui :
#1: Font un métier lié au savoir et à la transmission du savoir.
#2: Profitent de leur métier intellectuel pour intervenir dans la vie publique

Je rajoute parfois pour le niveau personnel le sens d'intellectuel comme "celui dont l'activité intellectuelle est prépondérante, quelle que soit son activité professionnelle" (#3). Mais il ne s'agit là que de psycho, et cela n'a rien à voir avec les débats publics.

Dans ce cadre, un professeur est un intellectuel, un journaliste aussi, un écrivain également, mais bien sûr pas un potier ni un peintre. Il n'y a que recoupement partiel entre les activités "culturelles" et les activités "intellectuelles" : même si dans de nombreux cas les distinctions seront difficiles, on trouve des gens qui n'appartiennent qu'à une seule des deux classifications.

Le problème bien sûr est que dans la compétition actuelle, les activités intellectuelles sont dites nobles, et les autres totalement déconsidérées : c'est ce que j'appelle le mythe de l'intelligence en tant que critère absolu (qui est alors utilisée comme mesure de la dignité humaine par Axel Kahn par exemple (Douance)). De ce fait, il est beaucoup plus valorisant d'être "intellectuel" que simplement "culturel".

Dans "l'appel" des Inrockuptibles (Les Inrockuptibles, Evoweb), le titre plus le premier paragraphe (qui utilise des techniques de manipulation) ont pour but de rassurer tout le monde : un "intermittent du spectacle" se retrouve aussi "intellectuel" qu'un doctorant ! Pas surprenant que de nombreuses personnes de "la société civile" aient voulu inscrire leur nom sur ce papier.

Mais ce papier va encore plus loin, parce qu'il s'inscrit dans un contexte historique précis. Après la WWII, les communistes ont réussi à imposer en France (grâce à l'argent de l'URSS et de nombreux espions) qu'un "intellectuel" est nécessairement "de gauche". Il s'agissait là d'une remarquable réussite de propagande qui donnait un pouvoir marketing extraordinaire à la gauche [1]. Hélas pour la gauche, ce bon vieux temps est fini, et l'avenir s'annonce plus sombre encore : Polyscopique a remarqué plusieurs fois qu'il y a un déplacement vers la droite de la jeunesse, et cela partout dans le monde. Les grandes idées de dictature collectiviste n'ont plus la cote auprès des jeunes qui peuvent constater facilement qu'elles ont mené partout où elles ont été appliquées à ruine et désolation, voire guerres civiles et goulags [1]. La France est cependant restée très à gauche : on lit souvent que 85% des journalistes sont de gauche, l'extrême gauche y bénéficie d'un pouvoir impressionnant, etc. Grâce à un système éducatif bien orienté, et à une presse aux ordres, la population française semble moins informée que celle de nombreux autres pays, et la désaffection de la gauche y est moins visible.

J'avais écrit fin 2003 (Evoweb) que le PS (Parti Socialiste Français) semble éprouver de grandes difficultés à se repositionner : tiraillé entre la poussée de l'extrême-gauche et sa trop grande ressemblance avec les partis actuellement au pouvoir (les différences sont pour le moins subtiles), il lui faut retrouver un angle d'attaque. Volontairement ou non, il semble bien que les auteurs de cet appel ont précisé ce repositionnement marketing. Dans mon article, je parlais du retour des "courants", c'est-à-dire du retour à un marketing qui avait fait ses preuves 10 à 20 ans auparavant. Là il s'agit de remonter beaucoup plus loin, de retourner à l'époque du KGB triomphant, et de ré-imposer cette identité "Intellectuel = A gauche".

Et bien sûr, contrairement à une époque où l'axe droite-gauche était beaucoup plus pertinent qu'aujourd'hui, il faut ratisser large, et donc étendre la définition. Aussi, l'appel ne parle pas précisément des "intellectuels" mais de "l'intelligence". Ainsi tout le monde peut signer, se sentir concerné, s'impliquer, s'afficher "intelligent". Nous voilà donc avec une nouvelle définition de l'intelligence, définition surprenante mais qui offre au moins l'avantage de n'avoir strictement aucun rapport avec l'état de la recherche scientifique sur le domaine : apolitiques, les études scientifiques sur le QI mènent en effet à des conclusions qui ne peuvent être acceptées lors d'un discours politique.

NOTES :
  1. Les axes "Etat-Liberté" et "Gauche-Droite" (Evoweb) ne sont pas parfaitement perpendiculaires : hormis pour certains de leurs extrêmes, la gauche est plus orientée Etat et la droite plus Liberté. Or la jeunesse commence à trouver trop lourd le poids de l'état (voir par exemple les réactions contre la loi Fontaine sur le contrôle étatique d'Internet), ce qui l'éloigne nécessairement de la gauche traditionnelle.

L'informatique, ça fait gagner un temps fou !

©Philippe Gouillou - 08 mars 2004 - 07:32
arc20040307.htm#BlogID230

C'est amusant de regarder les vieilles publicités informatiques. Il y a bien sûr les invariants : les BAGS (Blondes A Gros Seins) font toujours vendre, le matériel proposé est toujours "moderne", etc.), mais il y a surtout les promesses qui étaient faites aux acheteurs, véritables mythes auxquels peut-être certains ont pû croire, et qui vus avec le recul ne semble relever que d'une naïveté inimaginable. On peut citer le mythe du "Zéro papier", tellement à la mode dans les années 80. Il y a surtout un autre mythe, qui existe depuis les tout débuts de l'informatique, et qui me semble perdurer : "l'informatique, ça fait gagner un temps fou !".

D'un certain coté, ce n'est pas un mythe : il est tout à fait vrai que l'informatique nous permet de faire certaines choses incroyablement plus vites. Le cerveau humain n'est absolument pas conçu pour faire des déductions précises à partir d'informations fiables (mais pour optimiser dans un monde flou), et la moindre addition est calculée des millions de fois plus rapidement par un ordinateur. Mais que fait-on de ce temps économisé ? Et bien on fait d'autres choses avec l'ordinateur. Taper une simple lettre nécessite maintenant une puissance informatique supérieure à celle utilisée pour le programme Apollo, et si on n'en tapait qu'une ! Non, il va falloir écrire de plus en plus, exploiter ce gain de temps pour en faire encore plus, pour aller encore plus loin.

Jusqu'à il y a entre 10.000 et 15.000 ans, l'humanité vivait de chasse et de cueillettes. Se nourrir occupait la plus grande partie du temps disponible, et, comme l'accumulation était impossible, la recherche de nourriture était une contrainte quotidienne. Puis est arrivé l'agriculture, qui a répondu à ce problème de sécurité. Grâce à une certaine organisation (répartition des tâches), chaque humain n'était plus obligé de consacrer tout son temps à la recherche de nourriture, en fait chacun a gagné du temps. Tout n'était pas idyllique bien sûr, l'être humain n'avait pas été sélectionner pour la vie en communautés aussi grandes, les parasites en ont profité, les maladies se sont multipliées, la mortalité a grimpé en flèche, etc. : il a fallu attendre l'invention du capitalisme pour que l'humanité retrouve son niveau de confort de plus de 10.000 ans avant. Même au niveau du temps gagné : le chasseur-cueilleur avait la liberté de se déplacer, alors que le cultivateur devait rester à surveiller son champs, jour après jour. Bref, aucun avantage immédiat et énormément d'inconvénients directs : comme je l'écris dans "Pourquoi..", beaucoup se demandent comment les humains ont pu se convertir aussi rapidement à l'agriculture. C'est une des grandes questions ouvertes de l'anthropologie.

Et bien j'ai peut-être trouvé l'explication : il y avait quelqu'un qui passait de tribu en tribu en clamant "l'agriculture, ça fait gagner un temps fou !"

07 mars 2004

Faut-il fonctionnariser les intermittents du spectacle ?

©Philippe Gouillou - 07 mars 2004 - 13:44
arc20040307.htm#BlogID229

Ce matin je m'interroge sur l'application de la logique en politique. Voilà le raisonnement :

  1. Les chercheurs (dont les doctorants) sont en crise ;
  2. La solution qu'ils proposent à leur crise est de fonctionnariser 550 chercheurs (actuellement en CDD) ;
  3. Les intermittents du spectacles sont eux-aussi en crise ;
  4. Or, selon Les Inrockuptibles : "rien de plus proche d'un intermittent du spectacle qu'un doctorant précaire";
  5. Donc : la solution à la crise des intermittents du spectacles est de les fonctionnariser !
Et hop ! Tout un problème politique qui perdure depuis trop longtemps est résolu !

Bien sûr, mon raisonnement souffre d'une faiblesse qui me semble rédhibitoire : il se base sur l'analyse des Inrockuptibles, et la validité de celle-ci laisse plutôt à désirer (Evoweb). Mais d'un autre coté, il paraît que des dizaines de milliers de personne ont cautionné leur analyse, c'est donc qu'ils sont d'accord avec le lien doctorants-artistes [1], et qu'ils soutiennent la fonctionnarisation des intermittents du spectacle.

A y réfléchir, je me dis que cette solution que je n'avais jamais envisagé présente énormément d'avantages. Comment n'y avais-je pas pensé plus tôt ? En voici quelques-uns :

  • Depuis de nombreux mois, les intermittents nous ont offert de nombreux spectacles de haut niveaux totalement gratuits : occupation des festivals, remise en cause des bases de la démocratie par l'invasion du Parlement, manifestations, défilés, etc. etc. Est-il juste dans notre monde moderne de ne pas les rémunérer pour toutes ces actions ? Non, bien sûr ! Une fois fonctionnaire, ils pourront continuer (et le feront sans aucun doute) sans remettre en cause leur gagne-pain !
  • Le contrôle de l'état sur l'ensemble des spectacles permettra d'assurer à ceux-ci le niveau de qualité que la concurrence privée ne permettra jamais d'atteindre : celle-là même que le gouvernement actuel tient à mettre en place sur Internet au travers de la loi Fontaine. Plus aucun risque de spectacle non politiquement correct ! Les Français auront accès aux meilleurs spectacles du monde !
  • De même, grâce à ce contrôle de l'état, plus aucun spectacle ne pourra connaître de dérapages budgétaires. On pourra même, comme c'est le cas dans le secteur monopolistique de l'énergie, donner 1% du chiffre d'affaire des spectacles en France à la CGT afin de soutenir la population "en lutte" !
  • Enfin, l'exception culturelle sera totalement assurée : le monopôle étatique permettra d'interdire tous ces spectacles anglo-saxons qui détournent l'argent des Français.
Me voici convaincu : j'espère juste qu'ils penseront à fonctionnariser aussi les taxis pour qu'ils viennent me chercher sans même que j'ai à le demander pour aller voir ces spectacles que le monde entier nous enviera.


NOTE :
  1. Sauf bien sûr s'il s'agissait réellement de proximité physique : comment savoir ? (Evoweb)